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pour mieux voir, — et leur expression échappait à la définition. En tout cas, ils n’étaient ni tendres, ni même indulgents. À son front, je reprochais sa froide sérénité, son calme obstiné :

« Mon pauvre Loup ! » lui disais-je, la main désespérément tendue à travers les barreaux et mendiant un signe de confiance ; « mon pauvre Loup, as-tu, vraiment, tant souffert que ton cœur soit devenu si dur ? Je veux bien croire que ta peau a connu, jadis, le revers de l’affection des grands, et que tu as eu aussi ton beau narguilé, ton bracelet, ton fusil et ta jument, puis, ta maladie et tes médecins, mais enfin, tu es aujourd’hui libre, tandis que je suis enfermé et sans espoir derrière ces grilles. Allons, mon frère Loup, approche-toi, et laisse-toi caresser ! »

Je ne veux pas prétendre qu’en Turquie les chiens parlent le roumain, mais je puis affirmer que mon Loup, après avoir écouté pendant de longues semaines mes plaintes désespérées, vint un jour, bravement, poser sa patte dans ma main, — et c’est ce jour-là que j’ai reçu la plus sincère poignée de main de ma vie.

J’en fus heureux, — ou, si l’on veut, je sentis de nouveau les bienfaits de la joie