Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.

kilomètre d’avance et la promesse de ne plus me chercher si vous ne me rattrapez pas au village suivant ! »

Il parut navré :

« Vous êtes à ce point dégoûté de moi ? Et que vous manque-t-il ? Des femmes ? Je vous en offre tant que vous voudrez : de mon harem, ou des vierges de quatorze ans. Tous ces pays en pullulent, de tous les teints, de toutes les races, et qui ne demandent pas mieux que d’être nos esclaves, puisque chaque vierge doit rencontrer un jour son imbécile…

— Moustapha-bey ! » m’écriai-je, « ne croyez-vous pas que la liberté est plus chère que l’esclavage, et qu’un « imbécile » que l’on aime vaut davantage qu’un prince que l’on déteste ?

— Ça, c’est juste », répondit-il. « Mais ne vous occupez pas de ce qui est juste… Occupez-vous de ce qui est bon. Nous sommes les maîtres absolus de toutes ces étendues de terres, bêtes comprises. Prenons donc ce qui s’offre bêtement à notre puissance ! »

Ce fut en cet instant que mes yeux s’ouvrirent d’une façon consciente sur la vie. En effet, le bey, dans son cynisme, avait raison : tout s’offrait « bêtement » à sa puissance. On n’avait même pas à obliger.