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« Je vais vous montrer », me dit-il, « les domaines habités par les cerfs et les vautours. Et vous verrez que la vie est belle, même sans femme ; car vous ne savez pas encore que la plus belle femme finit toujours par devenir une salope. »

Cette insulte me frappa comme un coup de poignard et rendit Moustapha-bey odieux à mes yeux. Je cachai de mon mieux mes sentiments, mais sur-le-champ je conçus l’idée de m’évader.

Une merveilleuse occasion s’offrait : nous étions partis pour une grande randonnée de quinze jours vers les Balkans les plus proches et le long de la Maritza, — partie de chasse automnale qui était dans les habitudes du bey.

Mon plan était triple. Ou bien je trompais la vigilance des barbares et m’enfuyais déguisé en paysan turc. Ou bien j’achetais ma liberté. Ou bien, si mes deux tentatives avortaient, il me restait (troisième ressource désespérée) les jambes de « Kyralina » ; aux dires du bey, elle s’était révélée une coursière de premier ordre. Pour m’en convaincre, je demandai qu’on me permît de me mesurer avec le cheval arabe de Moustapha ; lui, content de me voir de bonne humeur, accepta, me donna une avance de trois cents pas et se fit fort