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lence, la griserie ne réussit pas à me faire oublier le désastre de mon enfance trois jours de suite. Il n’en est pas moins vrai que ce pauvre cœur se laissa souvent griser. Comment aurait-on pu résister ? Mes heures, nourries par la parole pleine d’espoirs du bey, s’écoulaient entre mon narguilé et ma jument, délicieux animal dont je ne m’éloignais que pour dormir et prendre mes repas, et qui, par les particularités et les bizarreries de son tempérament, ne tarda pas à me faire croire que quelque chose de l’amour de Kyra me parvenait par son intermédiaire. À son tour, cette noble bête m’aima et s’attacha à moi au point de faire un vrai tapage dans l’écurie aux heures où, au lieu de la sortir, je m’attardais avec le bey en de passionnantes parties de trictrac.

Ainsi, Kyra dans les beaux yeux noirs de la jument ; Kyra dans les objets les plus intimes que je touchais : Kyra dans notre conversation ; l’image de Kyra était à moitié dans la maison.

L’autre moitié fut apportée par les entremetteuses lancées à sa recherche. Ces sorcières vinrent m’assurer, l’une plus convaincue que l’autre, que Kyra se trouvait dans dix harems à la fois.

Sous leurs descriptions d’une étonnante exactitude, dans les détails palpitants