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temps ; et ce premier jour de liberté resta l’unique au souvenir duquel j’eus à réchauffer mon cœur.

Dès cet instant, mon premier mouvement me mena droit dans le gouffre.

Abandonné d’une façon si cruelle, ma stupéfaction fut telle que, jugeant le bonhomme fou, je n’eus même pas la force de pleurer, de désespérer. Mon esprit se refusa à croire à une pareille méchanceté ; ma première pensée fut d’aller vite à la recherche d’hommes au cœur moins dur. La vie m’attendait pour me servir à merveille.

Je ne sais pas par quelle enfantine bizarrerie je voulus me persuader que ma mère soignait encore son visage et son œil dans un hôpital ; je me dis que c’était par là que je devais commencer mes investigations. Avec cette idée en tête, je me mis à marcher, en demandant aux passants de quel côté se trouvait le centre de la ville. Tous m’envoyèrent à Péra, où j’arrivai une heure avant midi.

Comme j’avais faim, à ne plus pouvoir me tenir debout, je cherchai quelque chose à manger dans une ruelle latérale d’où venait une bonne odeur de viande de mouton rôtie. Près du coin, devant une petite boutique, un homme éventait une grille à