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« J’ai perdu ma sœur et ma mère, et je suis malheureux !… Aidez-moi à les retrouver, et je vous donne tout l’or que j’ai dans mes poches, toutes mes bagues, et ma montre, et mes habits…

— Par Allah, ne criez pas ! » me souffla le vieillard, étouffant ma bouche de sa main humide. Et me soulevant :

« Venez avec moi », dit-il. Je le suivis. Alors je m’aperçus qu’il portait sur le bras un panier de rahatloucoum, qui était son gagne-pain.

Nous marchâmes plus d’une demi-heure ; lui, se taisant, moi, dans un état de complète prostration. Jusqu’à ce soir-là, jamais mes pieds n’avaient pataugé dans autant de boue, jamais mes yeux n’avaient vu de quartiers si sales, ni une misère si affreuse. Enfin, il me traîna dans une espèce d’arrière-boutique où il n’y avait qu’un grabat et une cruche d’eau, l’un et l’autre par terre. C’était tout, absolument tout.

« Racontez-moi, maintenant, votre histoire », me dit-il, posant son panier et s’asseyant à la turque sur le bord du grabat.

En moins d’une heure, je lui racontai toute mon histoire, brièvement, mais toute, sans lui cacher rien, depuis la maison de ma mère jusqu’à mon débarquement. Il