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« Garez-vous ! »

À peine avais-je eu le temps de me garer devant le riche équipage qui passait, qu’un claquement de fouet retentit en même temps qu’une vive douleur me brûlait le cou et le menton. Je tombai à terre, la face dans le gazon. Depuis les brutalités du père et du frère, je n’avais plus senti de douleur pareille.

Je me soulevai à tâtons, aveuglé. La route était maintenant plus noire qu’avant, et une peur panique s’empara de moi. Je me mis à courir de toute la force de mes jambes, sans souffler mot, m’effrayant de tout et craignant ma propre respiration, le bruit de mes oreilles fouettées par le vent. Puis, des maisons apparurent, des rues propres, des rues sales, du monde, des marchands qui criaient, des chiens qui bougeaient à peine, et, enfin, quelque part, sur un terrain vide, je tombai évanoui…

Je me réveillai sous l’effort qu’un homme faisait pour me mettre sur mon séant ; et, au clair de la lune, je vis une figure pareille à celle d’ibrahim, le pêcheur d’écrevisses de Katagatz. Aussitôt, l’espoir de retrouver ma sœur et ma mère s’éveilla dans mon cœur. J’enlaçai son cou, qui sentait la crasse et le tabac, et je criai en sanglotant :