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à la Corne-d’Or, entrer dans des lupanars où dansaient des femmes au ventre nu, monter les rues obliques qui conduisaient à Péra. Je me décidai plutôt à monter à cheval, et je choisis le plus beau. Le propriétaire en était prévenant et courtois. Il m’aida à monter, et régla les étriers à ma mesure. S’apercevant bientôt que je ne savais pas monter, ni ne paraissais fixé sur le but de ma course, il me donna des instructions sur la façon de tenir les brides et me demanda où je voulais aller.

« Partout ! » répondis-je, me hissant sur les étriers.

« Partout ? » fit-il, étonné ; « mais votre seigneurie ne pourrait pas aller partout à la fois. Il faudrait choisir un chemin.

— Eh bien, conduisez-moi vers ces collines qui se reflètent dans le Bosphore. »

Et sur ses indications, nous nous dirigeâmes vers Yldiz-Kiosk et Dolma-Baktsché, qui éblouirent mes yeux et bercèrent mon esprit dans la plus fantastique irréalité. Pendant de longues et douces heures, caressé par le dandinement du cheval qui allait au pas et par les merveilles qui défilaient sous mes yeux mi-clos, mon corps, mon âme, mon être réel, ne furent plus de ce monde. Mon passé tout entier s’était évanoui… J’oubliais qui j’étais…