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nous attendait ; et sur le voilier, nous nous jetâmes dans les bras de Nazim-Effendi, comme si nous étions ses enfants.

Kyra, son beau visage baigné de larmes, raconta à ce père toute la vérité, toute, ainsi que le désastre final, et s’exclama, désespérée :

« Nous nous jetons à l’eau, plutôt que rentrer chez nous ! »

— Mais il n’y a pas de quoi désespérer, mes enfants », dit le ravisseur ; « vous êtes d’origine turque, par votre aïeul. Eh bien, je vous emmène à Stamboul, où, certainement, votre mère doit se trouver pour soigner son œil blessé. Nous la retrouverons et vous serez heureux ! »

Et il nous embrassa.

« Quand partez-vous ? » s’écria Kyra.

« Dans quelques heures, aussitôt que le soleil descendra. »

Heureux au comble du malheur, nous tombâmes à ses pieds, nous lui enlaçâmes les genoux. Il était notre sauveur ! Et le soir, dans le bruit infernal qui venait du pont, blottis dans la cabine où nous fumions des tchibouks farcis d’opium, la tête hallucinée, dans un brouillard d’inconscience et de bonheur, la cabine commença à nous bercer d’une façon qui nous fit croire que nous allions vers le ciel.