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il m’était sympathique… Ah ! pourquoi n’ai-je pas senti le malheur ?…

J’avais devant moi l’être odieux qui brisa ma vie et celle de Kyra : Nazim Effendi, propriétaire de voilier et fournisseur de chair de harems, comme tant d’autres à cette époque !…

Le monstre fut avec moi tout ce qu’il y a de plus délicat : sérieux, calme, sobre. En prenant congé et se dirigeant vers son canot, tapissé et rembourré, il me dit d’un ton indifférent :

« Si, par hasard, tu avais l’envie de te promener sur l’eau, seul ou avec ta sœur, je vous offre gracieusement mon canot. »

Et il appela son rameur, un Arabe, lui donna l’ordre et partit sur le fleuve. Je fus aussitôt enthousiasmé de cette offre, et je regrettai de n’en avoir pas profité tout de suite. Je craignais de ne plus le rencontrer.

À toutes jambes, je courus vers l’auberge et montai l’escalier du talus, en envoyant des baisers à Kyra qui restait à la fenêtre.

« Tu n’es pas gentil ! » me dit-elle, « Tu vas à tes amusements et tu me laisses seule ici, à m’ennuyer !…

— Tu t’amuseras demain comme une princesse dans un canot de bey ! » m’écriai-je en l’embrassant.

Et je lui racontai, à perdre haleine, la