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Alors, je les quittai et me mis à contempler les barcagdis allongés dans leurs barques, somnolant au soleil, fumant ou chantonnant ; et une fois, je demandai à l’un d’eux, en turc, de me promener un peu sur l’eau. Il me répondit que, pour se promener sur une barque, il faut payer quelques paras ; et je ne savais pas ce que c’était d’avoir de l’argent sur soi et de payer. Il me trouva bête et m’expliqua qu’il gagnait sa vie, en transportant des gens sur l’eau. En parlant, il regardait parfois derrière moi, clignait de l’œil, et puis, toisant mes habits propres, il s’exclama :

« Ah ! ces enfants de riches !… Ils ne savent seulement pas qu’il faut de l’argent pour vivre ! »

Alors je me tournai et vis un vieux Turc, beau et richement vêtu, qui restait un peu à distance, appuyé sur sa canne noueuse de cornouiller, et qui écoutait notre conversation. Il m’appela d’un signe du doigt et me dit :

« Tu es turc ?… Tu parles très bien la langue.

— Non », dis-je, « je suis roumain. »

Il me questionna longtemps, familièrement et honnêtement ; mais je ne répondis pas à toutes ses questions. Cependant,