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visage me fit deviner qu’au-dessous il devait y avoir un sourire. Un sourire plus précis fut dessiné par ses yeux. Il dit en roumain, d’une voix métallique et basse :

« Fillette !… Dis-moi dans laquelle de ces trois langues tu t’exprimes le mieux : en turc, en grec, ou en roumain ?…

— En roumain, croix de vaillant ![1] » répondit-elle courageusement, le fixant avec une incroyable audace.

« Et tu t’appelles ?

— Kyra.

— Eh bien, Kyralina, je t’embrasse en oncle, mais heureux le mortel qui mordra tes cerises en amant !… »

Il l’embrassa et la passa à son frère. Puis :

« Et toi, brave Dragomir : en as-tu une mine effarée !… » dit-il en m’embrassant.

Et il ajouta, en couchant son arquebuse sur le manteau.

« Est-ce par hasard nos barbes qui t’effraient ? »

Disant cela, il se jeta sur l’herbe et me prit près de lui. Je n’osai pas répondre. Il insista :

« Dis, Dragomir, connais-tu peut-être la peur ?

— Oui », répondis-je timidement.

  1. Traduction de l’expression roumaine : cruce de voinic, par laquelle on désigne une personnalité virile.