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maîtresse de la maison elle-même devait passer par là !

Une heure plus tard, nous nous trouvions sur la route de Cazassou, complètement perdus dans les champs de blé. Devant les deux monticules qu’on appelait dans le temps tabié[1], ma mère fit une halte… Là, assis sur l’herbe entre les deux tabié qui nous cachaient du côté de la route, notre mère nous parla à peu près ainsi :

« Mes enfants… Je m’attendais à beaucoup de mal de la part de votre père, mais je ne m’attendais pas à être défigurée sans être tuée sur le coup, car, sachez que mon œil gauche est presque sorti de l’orbite. Pour moi, cela, c’est pire que la mort… Je suis faite par le Seigneur pour les plaisirs de la chair, aussi bien qu’il a fait la taupe pour vivre loin de la lumière ; et, pareille à cette bête qui a tout ce qu’il lui faut pour vivre dans la terre, ainsi, moi, j’avais tout ce qu’il me fallait pour jouir de la vie de plaisirs. J’avais fait vœu de me tuer, si la force des hommes avait voulu me plier à une autre vie que celle que je sentais dans mon corps. Aujourd’hui, je pense à ce vœu. Je vous quitte… Je vais me soigner loin de

  1. Redoute.