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tilleuls et de peupliers, ainsi que des pièces de char détachées : roues, moyeux, rais, timons, jantes ; le tout englouti dans des tas de copeaux.

On ne me donna rien à manger jusqu’à midi. Non habitué au travail, je tombai de faiblesse. Le frère me fouetta, et la vieille servante m’apporta, pour toute nourriture, du pain, des olives et de l’eau.

Mais le plus triste fut quand je m’aperçus que j’étais sous la surveillance de tout le monde, et qu’il n’y avait pas moyen de me sauver. L’après-midi, je tournai encore, et quand je n’en pouvais plus, le frère passait et me donnait des coups de pied dans les jambes. Lui et son père, ceints du tablier en cuir, ainsi que tous les ouvriers, travaillaient, allaient et venaient, graves, moroses, les sourcils froncés, au milieu d’une tristesse où l’on n’entendait que le bruit des outils et les explications ou les ordres brefs. Le soir, on m’enferma dans une chambre dont la fenêtre avait des barreaux. Là, sur un paillasson jeté par terre, et sans lumière, je passai toute la nuit à pleurer et pensant aux chères créatures qui étaient encore plus malheureuses que moi.

Le lendemain, la journée fut semblable à la première. Je me demandais avec angoisse si la barbarie du père irait jusqu’à