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cour, d’où quelques minutes après, j’entendais la trappe lourde de la cave retomber bruyamment sur la malheureuse et l’enfermer comme dans une tombe. En rentrant, il fonça sur moi avec les poings serrés, et en ouvrant des yeux qui me firent croire que ma dernière heure avait sonné. Mais il ne me toucha pas et dit :

« C’est comme ça, hé ?… Tu casses la tête de ton aîné, et ta patchaoura de sœur voulait m’assassiner !… Eh bien, maintenant c’est fini avec vous tous ! »

Ils éteignirent les bougies et m’emmenèrent. En passant par la cour, je jetai un coup d’œil sur la trappe : un gros cadenas, liant deux pitons, rendait toute évasion impossible ; et je sanglotai à l’idée que ma pauvre mère, blessée, meurtrie, vivante encore, restait enterrée dans cette horrible tombe, pendant que Kyra, dans le placard, suffoquait de désespoir.

Dehors, il faisait jour… Des charbonniers turcs, le bât sur le dos et la canne pointue sous le bras, allaient vers le port, au travail. Et moi, où allais-je ?…

Nous arrivâmes à la maison du père, et je fus aussitôt mis à tourner la meule, où les apprentis aiguisaient des haches, des ciseaux et des gouges ébréchés. Autour de moi, pêle-mêle, gisaient des troncs de chênes, de