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n’avait jamais refusé ça à personne. Mais, quand il eut fini, elle dit avec un bon gros rire :

— Que t’es donc bête !… Y a pas besoin d’être mariés, pour faire ça !… Recommence, mon petit homme, au lieu de me parler mariage… Vaut mieux travailler à des choses sérieuses que de dire des bêtises.

Casimir recommença aussitôt, car il tenait, dans les circonstances actuelles, à prouver sa vigueur de mâle qu’on ne remplace pas aisément. Mais, ayant chanté son second couplet avec une incontestable virtuosité, il reprit :

— J’te dis, ma poupoule, que ça ne peut pas durer comme ça !

— Mais si, je veux bien que ça dure encore ! affirma l’insatiable Sophie.

— J’te cause pas sur la bagatelle, pontifia Casimir… J’te cause sur les qualités purificatrices du mariage, pour la pudicité de notre honneur et notre respectabilité.

Car il raffolait des mots très encombrants et très solennels, comme la plupart de ceux qui en méconnaissent volontiers le sens véritable et l’exacte prononciation.

Puis, tout en se promenant parmi la chambre, il tint à Sophie estomaquée, sur l’honorabilité du conjungo, sur la vile et dégradante abjection du concubinage, un immense et magnifique discours, un peu tardif peut-être, mais empreint de la plus austère moralité, rehaussée encore par le piquant contraste que formait son accoutrement, composé, en tout et pour tout, d’une paire de savates et d’un gilet de flanelle rouge descendant à peine jusqu’au nombril.

Sophie n’y comprit pas grand chose, étant trop occupée à penser qu’une troisième démonstration pratique lui eût fait plus grand bien que tout ce charabia. Mais Casimir eut l’habileté suprême de placer cette troisième démonstration, comme un argument irrésistible à la péroraison de son discours. Se figurant peut-être que ça se passait tous les jours comme ça, quand on était marié pour de bon, l’heureuse Sophie vagit, encore toute pantelante :

— T’es un vrai namour, mon p’tit homme !… Pour la farce que tu dis, ça s’ra comme que tu voudras.

C’est ainsi qu’elle devint Mme Bourbeux, et se trouva légitimement en règle avec les lois de la plus pointilleuse morale.