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que comme une chose importune, gênante, ridicule, puisque telle était l’opinion de son entourage, en général, et en particulier de madame sa mère, Sophie Bourbeux, née Verduron.

Car ladite maman avait fini par convoler en légitime mariage, tout de même, alors que sa fille était âgée de quinze ans à peine. À vrai dire, elle n’y tenait nullement, et ne l’avait pas fait exprès. Au cours de ses nombreux collages, aussi aisément rompus que formés, pour les plus minces raisons, Sophie avait trouvé dans son lit, un matin, sans trop savoir comment il y était venu, un être du sexe mâle qui déclara se nommer Casimir Bourbeux, et exercer la profession de peintre en bâtiments, particularité dont jamais, par la suite, il ne fournit du reste la moindre preuve.

Tout de go, le quidam proposa de se prendre à l’essai, pour trois mois. Bien qu’un peu effrayée par la perspective de coucher si longtemps avec le même monsieur, ce qui ne s’était produit que trois ou quatre fois en sa vie, Sophie accepta pourtant. C’est du reste à cela, accepter ce que voulaient les autres, que se bornait toujours son rôle de bonne fille, aussi totalement dénuée de volonté que d’intelligence. Elle subit donc Casimir, comme elle avait subi tant d’autres compagnons, parce que les choses s’étaient arrangées comme cela et pas autrement, sans tenter le moindre effort pour réagir, encore bien moins pour réfléchir, pour se demander si la situation était favorable, ou défavorable, à son point de vue personnel.

Cependant Casimir observait, réfléchissait. Il constata que Sophie répondait en tous points à ce signalement formulé par les Arabes, gaillards habitués à tirer de leurs compagnes le maximum de rendement : « Ânesse le jour, femelle la nuit. » Qu’elle fût au pieu ou au turbin, l’infatigable Sophie était toujours en mouvement. De là, double profit pour le compagnon de son existence, lequel, sans être tenu de pourvoir à rien, ne se heurtait jamais à des refus désagréables, soit, à l’heure du plaisir, soit à celle des repas. Casimir prenait donc tout son saoul de volupté, et à l’œil, circonstance fort appréciable, surtout quand on n’est pas très joli garçon. Bien qu’il rentrât toujours les poches soigneusement vides, puisque, quand il possédait de l’argent, il le cachait dans ses bottines. Sophie, trois fois par jour, s’arrangeait pour lui servir quelque