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que leur fils… Qu’est-ce qu’il va lui passer à la pauvre gosse ? »

Ce fut très simple. Sitôt François sorti, M. Hallebard alla pousser le verrou, puis ricana :

— Ma petite, ton câble glacé n’est qu’une ficelle bien rugueuse. Tu venais ici pour faire tes saloperies avec le singe, pas vrai ?… Or mon fils ou moi, c’est kif-kif… Je n’ai rien à refuser à mon personnel, tu me plais, et je suis à ta disposition… Viens t’asseoir sur mes genoux, petite roulure.

Et il se laissa tomber sur le divan…

Zouzoune, très raisonnablement, se gourmandait tout bas de sa gaucherie, se répétait de toutes ses forces : « Vas-y donc, petite gourde ! »

Mais la raison d’une femme et ses nerfs, ça fait deux. Sans savoir elle-même d’où montaient à ses lèvres ces mots étranges, incongrus, incivils en présence d’un patron tout-puissant, elle murmura, la voix plaintive, sans avancer d’un pas :

— Un petit instant, je vous en supplie… Le temps de m’habituer à l’idée… Oh ! rien qu’un tout petit instant, je vous assure…

Déjà M. Hallebard était debout, furibond.

— De quoi ? beugla-t-il… On fait sa Sophie, sa Jeanne d’Arc !… Et tu penses que ça va prendre ?… Voyez donc la belle ingénue !… Ça a déjà roulé avec tous mes garçons de courses, avec mon chauffeur, avec mon homme de peine, sans compter les passants et les militaires !… Et ça fait des manières avec moi, le patron !… Ça me prend pour un jobard, capable de croire à la vertu de ces garces-là !… Très peu pour moi, de la comédie !… Hors d’ici !… Retourne à l’atelier, petite salope !.

Qui donc vient de crier : « Vous en avez menti ! » ?… Qui donc a produit ce claquement vif et clair comme celui d’un coup de fouet ?… Zouzoune n’en sait rien, vraiment… Ça n’est pas possible qu’elle-même ait osé… Mais M. Hallebard, prudemment retranché derrière son bureau, une joue très rouge, l’autre très pâle, mugit, dans un tourbillon de gestes frénétiques :

— Une gifle à moi !… Une gifle !… À la porte !… Qu’on l’expulse !… Passez à la caisse, petite saleté !… Et vivement !