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— Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable… Boileau ! répondit sentencieusement Sosthène… Penses-tu qu’j’serais à la hauteur pour faire coin-coin, si qu’j’aurais ma citron quinze chevaux !

Et ses doigts bourrus, désagréables, se plantaient plus rudement encore dans les pauvres petits nichons de Zouzoune de plus en plus désappointée, et trouvant qu’il y avait une bien triste différence entre ce brutal laminage et les extases décrites par son amie. Mais Sosthène gronda, tout à coup :

— Ma fille, il faut céder, votre heure est arrivée !… Racine !… Gueule pas, la môme… À c’tte heure, on va jouer à papa-maman !

Les mollets enveloppés par un traîtreux croc-en-jambes, Zouzoune se sentit brutalement culbutée sur des gravats pointus et agressifs. Une lourde masse s’abattit sur elle, écrasante, lui coupant le souffle, et des mains hargneuses farfouillèrent sauvagement sous sa robe, tiraillant, arrachant, déchirant les pauvres petites lingeries enfilées avec tant de joie, si difficiles à remplacer.

Sous l’agression violente, presque haineuse, si différente des tendres caresses escomptées, Zouzoune eut un instinctif sursaut de dégoût, de révolte. Serrant des cuisses convulsives sur son petit trésor encor intact, elle planta dix ongles acérés, de toutes ses forces, dans la face soudain haïe qui se penchait goulûment vers la sienne. Puis, profitant du mouvement de retraite qui rejetait Sosthène en arrière, dans un grognement de douleur et de stupéfaction, la petite glissa, sous le corps soulevé pour un instant, plus preste qu’une couleuvre sous la semelle qui s’abat pour l’écraser. Et elle fut debout, brandissant un lourd silex, menaçante à son tour.

— Goujat ! haleta sa petite voix furibonde.

— Mieux vaut goujat debout qu’empereur enterré… La Fontaine ! riposta l’inépuisable citateur, du reste encore vautré sur le ventre, et fort décontenancé… N’en v’là des magnes !… Pourquoi qu’tu m’as dérangé, bougre d’gourde si c’est pas pour faire la bête à deux dos !

Mais sans daigner répondre, Zouzoune filait déjà, vive et légère. Elle entendit encore la voix grasse du brutal amoureux qui geignait derrière elle :

— De quoi m’ont profité mes inutiles soins ?… Racine !…