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par un beau dimanche

cher Pascal : Vous êtes le dernier des imbéciles si vous lâchez la maison à moins de cent mille francs !

Et le docteur répondit, avec une véhémente énergie :

— Que les acheteurs viennent ! Ils ne l’auront pas pour un sou de moins !

Tout en continuant à boire, Hougnot imaginait déjà, en de radieuses perspectives, l’emploi qu’il allait faire des cinquante mille francs constituant la part de Marie. Il n’était plus du tout question de commerce, d’affaires urgentes et à gros bénéfices, mais de dépenses somptuaires et récréatives : achat de meubles, de vêtements, de bijoux, destinés, bien entendu, au seul monsieur Hougnot ; voyages à la mer, puis dans le Midi, avec escale à Monte-Carlo, par la seule personne dont l’absence ne pût nuire à la maison de couture, c’est-à-dire par M. Hougnot… Il allait, il allait, et le total de cinquante mille francs se trouvait sans doute atteint déjà, sinon dépassé, sans qu’il eût été question encore d’un ruban de deux sous ou d’un bouquet de violettes pour Marie et Joséphine.

Soudain, le docteur, qui écoutait peu ou point, mais en silence, écarquilla ses sourcils trop rares, puis les fronça violemment. En face de lui, derrière la haie, très haute et très touffue, qui clôturait le jardin, les derniers arbres du petit bois silhouettaient sur le ciel bleu leurs cimes de plus en plus espacées. Or, dans l’un de ces arbres, qui depuis quelques instants s’agitait d’étrange façon, un superbe chapeau gris venait d’apparaître tout à coup. M. Hougnot, par bonheur, lui tournait le dos, et, tout à ses projets d’avenir, ne s’occupait pas de ce qui se passait autour de lui. Marie et Joséphine, qui lui faisaient face, n’avaient pas sourcillé, gardaient un calme inaltérable, et semblaient tout entières