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par un beau dimanche

naux et une douzaine de cabarets, cette vallée prendrait tout de suite une allure plus guillerette. Mais, quoi que vous en puissiez croire, je me passe sans la moindre peine de ces embellissements, et ne m’ennuie jamais quand je me trouve seul ici.

— Ça ne prouve pas en votre faveur, déclara sévèrement l’autre. Il n’y a d’homme véritable que l’homme d’action. Et l’homme d’action a besoin de vie, de bruit, de mouvement autour de lui. Moi, je suis un homme d’action, je m’en flatte et m’en vante ! J’ai toujours agi, j’agirai jusqu’à mon dernier jour, il me serait impossible de vivre sans agir.

Il avait beaucoup agi, en effet, et oubliait seulement de dire que chacun de ses actes avait été néfaste à lui-même où à son prochain.

— Vous dites vrai : je ne suis pas un homme d’action, avoua le docteur, puisque toute lutte me contrarie et me répugne. Or, pour tout ce qui vit, pour tout ce qui existe, les hommes y compris, il n’y a pas d’action sans lutte. La vie entière de chaque individu n’est qu’une lutte constante contre la nature hostile. Ses semblables ne sont pas ses moindres ennemis, mais les plus acharnés peut-être. Et, par une loi bien naturelle en somme, il se heurte à eux d’autant plus souvent qu’ils sont plus proches de lui, proches de sa chair et de son âme…

— Jamais un de mes proches n’eut l’audace de se heurter à moi ! objecta fièrement M.  Hougnot, dont la vie s’était passée, en effet, à piler tous ses proches dans le mortier de ses appétits personnels, sans qu’il eût jamais admis la moindre réciprocité.

— Soyez certain que tout le monde ne peut en dire autant, répondit le docteur. J’ai toujours vu, même dans les familles les plus tendrement unies, la lutte constituer la règle bien plus que