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par un beau dimanche

Des fauteuils en osier s’y alignaient autour de quatre énormes pieux supportant, en guise de table, une immense dalle d’ardoise, épaisse de trois doigts. Des ouvertures ovales, ménagées dans le treillage auquel s’accrochaient les rosiers grimpants, laissaient voir une vallée agreste et sauvage, où les eaux pures de la rivière s’encaissaient entre les lignes tragiques et violentes des sombres forêts, des rochers escarpés. Pas une habitation n’était en vue ; pas un bout de terre cultivée ; rien que la nature primitive aux aspects inviolés.

C’est en ce réduit que de temps à autre, auprès de ses fleurs bien-aimées, devant le paysage vierge et désert, le docteur venait solitairement goûter ses meilleures heures de repos, en oubliant qu’il existât des hommes.

Avant de partir, la vieille servante avait dressé, sur la massive table d’ardoise, les apprêts d’un goûter rustique : des brioches et des tartes à la mode du pays, des fruits, de la crème, des bouteilles de vin blanc trempant dans un seau d’eau fraîche, un filtre à café posé sur son réchaud qui n’attendait que l’allumette.

Après s’être adjugé toutes les friandises auxquelles allaient ses préférences, M.  Hougnot abandonna généreusement le reste aux autres convives. Il donna de minutieuses et interminables explications sur la seule façon possible de préparer le café, — entendez la seule façon qui lui plût, — puis, tout en sucrant son assiettée de fraises avec une écœurante exagération, il déclara, tendant une moue de dégoût vers l’âpre beauté de la vallée :

— Vous devez rudement vous ennuyer ici, mon pauvre Pascal. C’est sinistre, le désert qu’on voit là-bas.

— Il est de fait, concéda le docteur, qu’avec quelques lignes de tramways, un kiosque à jour-