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par un beau dimanche

sait donc comme la première des lois ; et le jour ne pouvait passer par les fenêtres que dans la mesure qui interdisait à un homme d’en faire autant.

À ce moment, Marie, restée près de la porte entr’ouverte, la ferma brusquement, poussa Joséphine du coude en passant près d’elle, et s’engagea, avec des allures prudentes de chatte dégoûtée, sur l’escalier branlant et poussiéreux, où sa sœur la suivit aussitôt. Puis les deux hommes les entendirent trotter au-dessus de leur tête, pousser de petites exclamations de surprise et de répugnance, et tripoter on ne sait quelles ferrailles qui grinçaient comme de vieux verrous mangés de rouille. Cependant, le docteur continuait à pérorer avec le chaleureux enthousiasme qu’il apportait en toutes les questions d’ordre général ou abstrait, d’où nul profit direct ne pouvait découler pour lui.

— Il faut bien reconnaître, disait-il, que nos données les plus précises, sur les époques révolues, consistent généralement en de fort vagues souvenirs de théâtre ou de carnaval. Faute d’autres documents, les choristes d’opérette et les cascadeuses de bal masqué sont les seules images un peu précises qui puissent ressusciter en notre mémoire, lorsque nous prétendons évoquer les paysans d’autrefois. Nous les voyons évoluer dans de vastes salles pittoresques à souhait, vastes pour cette bonne raison qu’elles ont toujours les dimensions d’une scène de théâtre, pittoresques parce qu’elles sont créées de toutes pièces par des artistes dont le métier et le premier devoir est de les rendre telles. Nous acceptons ces images sans les contrôler, comme les neuf dixièmes des idées toutes faites qui constituent ce que nous appelons notre mentalité personnelle. L’homme étant un animal inductif, toujours porté à boucher les trous de la réalité