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par un beau dimanche

bouteilles qu’il allait, la nuit venue, enfouir en des endroits connus de lui seul. Son grand plaisir était de les déterrer ensuite aux yeux de la vieille, parfois sous ses pieds même, au moment où elle refusait de servir une tournée à quelques joyeux copains.

Pourtant, une chose manquait encore à son bonheur. De temps à autre, on le voyait rôder par la ferme ou le potager, un outil quelconque à la main. Il sondait les murs, forait des trous dans le sol, flairait comme un chien de chasse aux moindres ouvertures. Quand on lui demandait ce qu’il faisait là, il répondait, en farfouillant avec ardeur : « Quelle noce, nom d’un cric ! Quelle noce, si je trouve jamais le magot ! » Mais c’est en vain qu’il avait déjà retourné deux ou trois carrelages, démoli quelques planchers, perforé mainte muraille et saccagé de nombreuses plates-bandes de légumes en pleine croissance. Après six années de mariage, il n’avait pu découvrir encore le moindre écu rogné. Sans toutefois renoncer à ses recherches, il ne se dépitait pas outre mesure de leur résultat négatif, menait joyeuse vie, se portait comme un charme, et, en parfait parasite qui se nourrit de la sueur des autres, engraissait d’un demi-kilog chaque fois que Séraphie perdait une livre.

Toutes proportions gardées, c’était un ménage comme il en existe peut-être plus qu’on ne croit, à la ville plus encore qu’à la campagne.

Comme le docteur Brusy introduisait son beau-frère et ses nièces dans la grande salle de l’auberge, une voix éraillée leur souhaita la bienvenue en entonnant à pleine gorge la vieille chanson d’Aristide Bruant :

 Tous les clients sont des cochons,
 La faridondon, la faridondaine…