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CHAPITRE iii


La fortune de Séraphie Pocinet, née Créton, l’aubergiste de Neur-Ry, représentait trois cents ans de labeur acharné, de volonté patiente, de malhonnêteté sournoise et de crasseuse avarice. Le père et la mère de Séraphie, pauvres journaliers à l’époque de leur mariage, avaient trimé, gratté pendant vingt ans, en se serrant le ventre, pour gagner de quoi entrer à la ferme comme simples métayers, partageant les fruits du sol avec le propriétaire, petit nobliau qui mangeait tout doucement sa fortune en parties de chasse et en noces crapuleuses. Quinze années de travail enragé, d’économie forcenée et de partages frauduleux avaient suffi aux Créton pour devenir fermiers, seuls possesseurs du bétail et du matériel d’exploitation, qui étaient toujours exécrables au temps du partage, mais devinrent excellents sitôt ce régime expiré. Après quinze autres années d’une vie non moins laborieuse, non moins sordide, ils purent acheter la ferme, en reprenant à leurs charges toutes les