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par un beau dimanche

sent… Oui, monsieur !… Et vous n’avez, malgré tout, qu’un rêve, qu’un désir, toujours celui du Hottentot, du Caraïbe, abattre l’arbre pour manger le fruit qui reste : faire vendre la maison qu’ont laissée mes pauvres parents et dont votre fille Marie est aujourd’hui propriétaire par moitié… Mais on ne la vendra pas, monsieur !… On ne la vendra pas !… Je ne veux pas qu’on la vende !… Je vous affirme qu’on ne la vendra pas !

Et le brave docteur, emporté par sa véhémente indignation, se mit à secouer à pleines mains l’innocent et impassible bouleau, en lui bégayant les seules injures dont il fût capable, ayant pratiqué les traités d’anthropologie beaucoup plus que le catéchisme poissard :

— Hottentot !… Caraïbe !… Boschiman !… Patagon !… Fuégien !… Botocudos !… Homme de Cro-Magnon !… Pithécanthrope !… Anthropoïde à tibia platycnémique !…

Et autres aménités de caractère hautement scientifique.

Mais, entendant un bruit de voix lointaines, M.  Brusy lâcha vivement son adversaire le bouleau, prit une attitude calme et paisible, puis, voyant pointer au loin le nez chafouin de son beau-frère, marcha vers celui-ci en demandant du ton le plus cordial :

— Comment allez-vous, mon cher Walthère ? Vous êtes tout à fait remis ?

Car il savait, hélas ! que le sage, s’il veut jouir de quelque paix, doit se résigner à l’hypocrisie chaque fois que les malencontreux hasards de notre vie imparfaite le mettent en contact avec de moins sages que lui.

M.  Hougnot daigna répondre que ça allait mieux, et se plaignit seulement de ce que son imbécile de beau-frère n’eût pas songé, en vue de tels accidents, à apporter une petite goutte de