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par un beau dimanche

L’enfant eut un rire sournois, puis se gratta l’oreille avec sa tartine, mais s’obstina à ne pas soupçonner la présence d’un monsieur perché dans un arbre.

— Rentre tes bêtes dans le pré, ordonna le docteur.

Docile, la petite mit sous son bras le reste gluant de sa tartine, empoigna d’une main la queue de la vache rousse, de l’autre celle de la vache noire, puis donna une secousse à ces rênes singulières. Placidement, les deux bêtes se mirent en marche, côte à côte, et rentrèrent dans le pré en remorquant leur minuscule gardienne, qui se laissait traîner à croupetons.

— Eh bien, vous ne descendez pas ? demanda M.  Brusy à son beau-frère.

— Vous croyez que les vaches n’ont garde de revenir ?

— Mais non !… Mais non !

— Oui, vous dites ça… J’aimerais tout de même mieux que vous fermiez la barrière. Cette satanée gamine l’a encore laissée ouverte.

Le docteur alla fermer la barrière et M.  Hougnot, enfin rassuré, descendit avec une sage lenteur, en poussant de petits cris d’effroi, pour se laisser enfin tomber dans les deux paires de bras que Joséphine et Marie tendaient vers lui. Puis les jeunes filles, soutenant leur père avec autant de sollicitude que s’il avait reçu quelque grave blessure, le conduisirent au quartier de roche, sur lequel il s’assit en déclarant d’un ton farouche :

— On ne devrait pas permettre aux paysans d’avoir des vaches ! C’est un véritable danger public, une menace constante pour les paisibles promeneurs !

— À mon avis, opina le docteur, il est beaucoup moins dangereux de rencontrer une vache que de rencontrer un homme. Une statisti-