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par un beau dimanche

gnot, qui éprouva aussitôt un vif remords de ne pas avoir accompagné le docteur à la recherche de ses filles. Car il se montrait d’une bravoure impétueuse et agressive, brandissait une canne menaçante et parlait volontiers de tout démolir, chaque fois qu’il avait affaire à une faible femme ou à un interlocuteur d’allure pacifique. Mais il filait comme un lièvre, sans vergogne, à la moindre apparence de danger réel ou imaginaire, et éprouvait en particulier pour tout animal grand ou petit, ayant bec ou ongle, dard ou corne, un respect dont l’intensité se traduisait d’ordinaire par des coliques immédiates.

Il allait donc filer, sans même prendre le temps de ramasser son mouchoir, quand un second beuglement retentit au-dessous de lui, et une grosse vache noire, sortant du pré voisin par une barrière entr’ouverte, obstrua de ses flancs rebondis toute la largeur du sentier, et se mit à grimper à pas lents vers M. Hougnot.

Nul gardien ne semblait accompagner les deux bêtes. Rien ne répondit au cri inarticulé que le beau-frère du docteur parvint à extraire de sa gorge, en essayant d’appeler au secours. Rien que le bref pépiement d’un petit oiseau qui vint se percher sur la haie, un tout petit oiseau aux yeux noirs et luisants, qui semblait survenu tout exprès pour voir comment le monsieur se tirerait de là.

Prêt à se laisser tomber sur le sol, en demandant grâce, M. Hougnot réunit, par un suprême effort, les restes épars de sa volonté défaillante, et étudia d’un rapide coup d’œil la topographie du champ de bataille.

Derrière lui, une haie épineuse et touffue, haute et rectiligne, sans la moindre solution de continuité. À gauche et à droite, l’étroit sentier barré dans toute sa largeur par les deux énormes bêtes aux cornes effilées. En face, une