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n’arrive qu’à moi, ces choses-là… Mais j’en ai conclu que le célibat abolit fâcheusement l’esprit de famille, et le triste spectacle auquel j’assiste aujourd’hui n’est pas pour me faire changer d’avis.

— Je vous affirme, bredouilla le docteur, que mes honoraires suffisent à peine à ma subsistance, si modeste que soit mon train de vie…

— Vous avouez donc qu’ils vous suffisent, remarqua sévèrement Hougnot. Alors, que faites-vous de vos revenus ?… Vous les enfouissez par manie de vieil avare ?… Vous avez des vices cachés à satisfaire, peut-être ?

L’oncle Brusy baissa la tête, rougissant comme un coupable. Puis il murmura, si bas qu’on l’entendit à peine :

— Non, je vous assure… Ce n’est pas pour moi… C’est tout simplement… C’est tout simplement la part des pauvres…

— La part des pauvres ! clama Hougnot… Voilà !… Voilà l’homme !… Il préfère à sa famille un tas de paresseux, de truands, de brutes qui le grugent et se moquent de lui dès qu’il a le dos tourné !… Mais ils sont plus riches que moi, vos soi-disant pauvres !… Ils n’ont besoin de rien !

— Ils ont besoin de médicaments, et ils ne veulent jamais en acheter ! protesta le docteur.

— Et vous encouragez leur avarice ?… Belle besogne, vraiment !… Et pourquoi ?… Par pur orgueil !… Pour jouer au bienfaiteur, pour qu’on vous salue au passage… Et plutôt que de renoncer à ce rôle, vous sacrifiez votre nièce, vous la poussez au désespoir, au suicide !… Ah ! la vanité est une terrible puissance, puisqu’elle conduit un homme, pour un peu d’argent, dont il ne profite même pas, à faire le malheur de sa propre chair, de son propre sang !… Remarquez que je ne vous demande rien, mon cher Pascal !…