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par un beau dimanche

votre généreuse hospitalité… et je vous demande mille et mille pardons.

À quoi Hougnot répondit d’un ton rogue, en tournant le dos dans toute la mesure où son siège incommode le lui permettait :

— Monsieur l’archéologue, je n’ai que faire de vos excuses et de vos remerciements. J’ajoute qu’il faut être le dernier des imbéciles pour me parler comme si j’étais le maître de cet infâme logis.

Faible comme un souffle d’agonisant, la voix tremblante émit quelques vagues sons qui pouvaient signifier, à la rigueur : « Mille et mille pardons ! » Puis la colonne de vapeur se fit de plus en plus dense et redevint silencieuse. Avec une lente et scrupuleuse impartialité, Pas-Bon faisait six tas de ses pommes de terre, retranchant par-ci, ajoutant par-là, remplaçant un gros tubercule par un petit, un petit par un gros, puis chambardant toute sa répartition pour la recommencer selon un système plus équitable. Enfin, satisfait de son œuvre, il distribua gravement ses petits paquets, poussant une part dans la main de chacun, avec un « Bon… » des plus persuasifs. Nul ne se fit prier, car le goûter du docteur était loin, et le savoureux fumet des pommes de terre avait déjà fait palpiter plus d’une narine.

Seul, Hougnat, la bouche pleine, ronchonna à l’oreille de son beau-frère :

— Il n’y en a pas beaucoup, de pommes de terre. Étant notre hôte, il aurait bien pu nous les laisser toutes, et se contenter de son pain. Le docteur répondit, grave et doux :

— Mon ami Pas-Bon ignore les premiers éléments de la politesse, et nul ne lui a enseigné par la parole, bien moins encore par l’exemple, les sublimes beautés du sacrifice et du renoncement. Il a pour tout guide un besoin effréné