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par un beau dimanche

M. Brusy tira ses tablettes et griffonna une ordonnance.

— Vous laverez soigneusement la plaie à l’eau bouillie, dit-il, puis vous l’oindrez chaque jour d’une couche de ceci.

— Ah ! faudra aller chez l’ pharmacien ? fit Monsieur le Chef de Gare en réprimant une grimace. J’avais pensé qu’ vous auriez peut-être un vieux fond d’bouteille qui pourrait suffire, pour une coupure pas plus grande que ça… Vous en donnez tant pour rien, des bouteilles… Vous en donnez à la vieille Nanette, à la petite Phrasie, à d’autres et à d’autres…

— Phrasie et Nanette ne sont pas fonctionnaires comme vous… Et puis… Enfin, vous aurez votre bouteille… C’est tout ?

— Bien sûr, m’sieur l’ docteur… J’ suis pas une femme à abuser… Alors, c’est promis, pour la bouteille ?

— Mais oui, c’est promis, c’est entendu.

— Merci beaucoup, m’sieur l’ docteur… Merci d’avance, parce qu’on sait bien qu’ quand monsieur Brusy a promis quéque chose, y r’vient jamais d’ssus, faut dire la vérité… Alors, j’ suis bien sûre de l’avoir, ma bouteille.

Le docteur regarda fixement les yeux de la vieille femme, deux petits yeux pleins de malice, dont les paupières se baissèrent trop tard pour masquer une courte lueur goguenarde.

— Vous, dit-il enfin, vous êtes encore une fois en train de me rouler… Qu’y a-t-il ?… Vous ne m’avez pas tout dit.

Monsieur le Chef de Gare crut indispensable de reprendre entre ses gros doigts le coin de son tablier, avant de lâcher ce demi-aveu :

— Si j’vous ai pas tout dit, c’est p’t-être que j’y aurai pas pensé.

— Qu’y a-t-il, voyons ?