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par un beau dimanche

taient Marie et Joséphine. On décida enfin, par transaction, que le docteur ferait faire le tour des ruines aux deux jeunes filles, tandis que M.  Hougnot les attendrait, tout seul, comme un homme, en fumant un cigare dans l’ex-chapelle, où on lui affirma que nulle vache ne pouvait venir paître.

L’oncle et les deux nièces partirent donc, se cramponnant aux étroites échelles de fer scellées dans le roc, suivant, non sans effroi, les sentes haut perchées que formait le sommet des épaisses murailles, sautant dans des trous pleins de ronces, se faufilant par d’étroites brèches, pour passer, ô jouissance ! d’un pré rectangulaire dans un pré carré, d’un enclos en trapèze dans un enclos en hémicycle.

— Les écuries… La cour d’honneur… Le logis… La grosse tour d’angle… disait en passant le docteur.

Avec fort peu d’enthousiasme, les jeunes filles répondaient :

— Tiens, tiens !… Ah vraiment !

De temps à autre, elles s’arrêtaient pour contempler, parmi les décombres, un fragment de boulet en pierre, lancé jadis par les bombardes des assaillants.

Enfin, gravissant une dernière échelle, on parvint au sommet de ce qui restait du donjon, et la contrée apparut tout entière. Prés d’émeraude, rivières sinueuses, rochers abrupts, mornes bruyères, collines boisées s’étageant, s’estompant, de plus en plus lointaines, pour se confondre enfin avec la brume légère qui fumait, comme une vapeur d’encens, aux bords de la coupe immense et harmonieuse. Pas un être humain, pas un animal visible sur le sol, pas un oiseau dans le ciel.

Empoignées, Marie et Joséphine se taisaient. Oubliant leur présence, le vieil oncle se figurait