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d’un rat… I m’ l’a raconté bien des fois lui-même, vu qu’il a mouru à nonante-deux ans, quand j’avais déjà fait mes pâques… Ça fait don qu’ mon grand-père était soldat du grand Napolèyon, èt c’ètait un jeune conscrit qui n’ s’avait encore jamais battu… Sé-tu bien qu’est-ce qu’is font, les conscrits, la première fois qu’is vont à la bataille ? Et bin, chaque coup d’ canon qu’on entend pèter, is abaissent leur cabu comme pour jouer à ’n’ pochtêye, si fort èt si vite qu’is s’ font du mal à leur menton sur leur estomac… Et is ont si tell’ment peur qu’is s’ doifent aller mette à cropiou déconte de toutes les haies… Ça fait qu’ mon grand-père était comme les autes, il abaissait son cabu tant qu’i poulait, èt i n’ faisait que s’ déboutonner èt s’ raboutonner. Et voilà qu’ tout d’un coup, on les fait charger à la baïonnette sur des grands gros canons qui tiraient pire que pour enrager. Mon grand-père courait comme les autes, pasqu’i n’avait pas moyen d’ faire autrement, quand voilà qu’i pète sur son chose en s’ trébuchant sur des soldats qu’ètaient morts par terre. Et il avait si tell’ment peur, hein, qu’à la place de s’ rel’ver pour courir après ses camèrâtes, il a resté là, étalé comme une raine, à faire semblant qu’il était mort aussi. Ça fait qu’ les aûtes courent en voye se batte aute part, èt voilà mon grand-père qui resse tout seul, pendant des heures, à trembler les margamottes, pasqu’i n’ savait pas même d’ quel coté qu’i s’ poulait bien sauver. Mais tout d’un coup, voilà qu’i sent quéque chôsse qui courait sur sa jampe, èt i voit qu’ c’était un grand gros rat qui m’nait pour manger les morts. Il attrape une si fameûsse pèpette, qu’il empoigne son fusil, èt qu’i court en voye comme un sot sans savoir où est-ce qu’il allait.

Il arrife dans un bois, èt tout d’un coup, i s’ troûfe barpe à barpe avec trois Cosaques qu’avaient descendu bas d’leur cheval, èt qui r’gardaient sur des cartes de jographîye. Voilà qu’is veulent tous les trois prente leur sâpe, comme de jusse. Alors, mon grand-