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LXV.

L’OURS ET LE CORONISSE


Gilles Trixhay boit sa goutte au comptoir, en gaillard expérimenté qui sait quelle somme formidable l’habitude de donner des pourboires lui coûterait chaque année. Madame Fligote, la patronne, tiraillée entre le désir de continuer à lire son journal et le devoir de faire la causette avec un bon client, opte adroitement pour un moyen terme : elle fait sa lecture à haute voix, en l’émaillant de quelques commentaires destinés à prouver à Gilles que c’est pour lui, pour lui seul, qu’elle se donne tant de peine.

Et voilà comment Gilles, d’ordinaire fort peu au courant de l’actualité, apprend qu’un dompteur fut mortellement mordu par un ours, à l’Exposition de Gand.

Il réfléchit, vide son verre pour s’éclaircir les idées, puis déclare d’un ton sentencieux :

— Si l’ dompteur va dans la câfe aux pèlotes, c’est la preûfe que les accidents flamands sont plus terripes qu’ les ceux d’ chez nous-autes, pasque moi, i m’a-t-arrivé une affaire tout justement pareille, èt je n’ai pas mouru pour si peu.

Mme  FLIGOTE. — Tout justement pareille ! Taisez-vous, allez vous !