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ch’ t’ai raconté, sé-tu, pasque ça f’rait encore des margayes. Du temps qu’i-n-avait encore des saints sur la terre…

DOUDOU. — Pourquoi qu’i-gn-en a plus à c’tte heure ?

COLASSE. — Ça, ch’ n’en sé rien… Peut-ète que ceux qu’est encore assez brafes pour l’ète n’est pas assez catholiques… I-n-avait don une fois trois saints…

DOUDOU. — Quoi est-ce que c’était au jusse, des saints ?

COLASSE. — Bin, ça n’ se peut pas mieux r’mette qu’à Antoine de J’meppe, qu’a mouru l’an passé… Is prêchaient les gens pour qu’is soyent brafes, is r’faisaient un houlé ou un croufieû par-ci par-là ; èt quand is ne l’ poulaient pas r’faire, is lui disaient qu’ c’était d’ sa faute… Tout fî pareil qu’Antoine, djans… Ça fait don qu’i-n-avait ’n’ fois trois saints, Mamert, Pancrace èt Servais, qui prêchaient dans l’ même temps èt dans les mêmes parâches. I t’ faut dire que tout saints qu’is ètaient, is s’ faisaient la concurrence comme des enragés, à quî est-ce qu’aurait l’ plus beau mirâque. Voilà qu’un jour, i-n-a ’n’ femme qui va trouver saint Mamert avec un crameû qu’était pèté à trois morceaux.

— Je parîye, dist-elle, que vous n’ pouleriez pas r’faire mon crameû.

— Je vous l’ f’ra voir, moi, dist-i l’ saint, si je n’ le peux pas r’faire.

I prend l’ crameû, i crache sur les morceaux, èt i prîye le bon Djeu qu’i gèle. I fait tout d’un coup si froid que l’ crameû s’ recolle… èt qu’ toutes les fleurs sont engelées sur les arpes à vingt kilomètes autour de lui.

Le lend’main, voilà qu’on va dire à saint Pancrace quel mirâque que saint Mamert avait fait.

— Qu’est-ce que c’est don ça, dist-i, de r’faire un crameû ? Je vous vais montrer bien plus difficile.