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comme en un rêve : « Si tu me trompais, vois-tu, si tu me trompais jamais… ! » — « Folle ! se hâta-t-il de dire, pas trop rassuré. Tu sais bien que je ne pourrais pas, que je n’aime que toi ! »

Malaisément, la grosse dame se mit debout. Puis, retombant de son septième ciel à des considérations plus pratiques, elle déclara, tandis que Jolimont frottait sa jambe ankilosée :

— Maintenant, on va faire la dînette.

— Certainement, acquiesça le cabot. Avec les gestes méticuleux d’une besogne répétée chaque jour, il enleva son beau veston, le remplaça par une vieille redingote élimée et luisante, couvrit ses genoux d’un torchon, et s’empara d’un panier plein de pommes de terre. Puis, tandis que la grosse dondon commençait à se battre avec trois vagues casseroles, tandis qu’il épluchait ses légumes avec la dextérité que donne une longue habitude, Jolimont revécut, songeur et silencieux, la piteuse aventure de son rêve aujourd’hui réalisé, du beau rêve si souvent caressé, jadis, dans sa tête creuse de joli cabot : enlever une femme du monde.


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