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donc, bandit ! Osez porter la main sur une faible femme sans défense ! À l’assassin ! À l’assassin !

Le claquement d’une porte qui se referme interrompt cette intéressante conversation. Les deux époux se retournent. Ils sont seuls dans le salon, le prétendant a disparu. Tous deux se précipitent dehors en criant :

— Monsieur André ! Monsieur André !

Mais M. André galope déjà dans le jardin, retenant à deux mains son haut-de-forme, et piétinant sans pitié les plates-bandes fleuries ; malgré les cris qui le poursuivent, il atteint la grille sans se retourner ; il l’ouvre, il est sauvé, ce qui ne l’empêche pas de repartir de tout son cœur, au triple galop, dans la direction de la gare.

Comme personne n’est plus là pour les entendre, les deux époux n’échangent pas le moindre reproche. Ils rentrent silencieusement dans le salon. Angèle y est agenouillée sur le tapis, roulant dans un fauteuil sa tête échevelée, et poussant des gémissements de petit chien battu.

 Ensemble : Mme PIC, d’un air très surpris. — Qu’as-tu, ma pauvre fille ?
M. PIC, d’un ton stupéfait. — Qu’est-ce qu’il te prend ?

ANGÈLE, à travers ses sanglots. — C’est… C’est le quatrième mari que vous me faites manquer… Je l’aimais bien, moi, Monsieur André,… les autres aussi, du reste… Je sens que je ne me marierai jamais !

 Ensemble : Mme PIC. — C’est ton imbécile de père, avec sa pantoufle…
M. PIC. — C’est la faute de ta mère !

ANGÈLE. — Mon Dieu ! mon Dieu ! que je suis malheureuse !