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La grève des danseuses


Seule dans un coin du foyer, la grande Théréson, en costume de soubrette, repassait son rôle avant d’entrer en scène. De ses deux mains ouvertes, elle cachait la brochure étalée sur ses genoux, pour empêcher, sans doute, le texte de lui sauter aux yeux malgré elle. Puis, d’une voix morne et sans intonations, elle murmurait très vite :

— Oui, monsieur… Parfaitement, monsieur… Si monsieur veut attendre un instant… Oh ! monsieur veut rire, sans doute…

Comme la petite Chonchette traversait le foyer, les « Oui, monsieur… Parfaitement, monsieur… » de Théréson prirent un accent extraordinaire de férocité et de dédain, tandis que Chonchette, les yeux au plafond, balançait la croupe d’une façon agressive et désinvolte, qui signifiait clairement qu’à son avis, il n’y avait personne dans le foyer, et puis que si c’était elle, maintenant, qui était avec le directeur, ça prouvait qu’elle était un peu mieux fichue que les grandes bringues qui ne savent même pas garder un homme pendant quinze jours.

À ce moment, la porte s’ouvrit, et Zulma, la danseuse, entra comme un coup de vent qui aurait peur d’être en retard. Chonchette pensa qu’il était à propos de montrer la bonté de son âme et l’aménité