Page:Ista - Contes & nouvelles, tome III, 1917.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.
19

gagner… Un chef-d’œuvre admirable à transmettre à la postérité éblouie…

— T’as tort, dit le sculpteur. Magouline est revenu de son patelin. Il a tapé ses vieux dans les grandes largeurs, il est nippé à neuf et a de l’argent plein les poches.

— Magouline avec un vrai veston sur le dos ! hurla Jean Travers. Magouline capitaliste ! Miracle ! Miracle ! Faut voir ça !

Et il se précipita chez le troquet. Magouline était là, jouant aux cartes avec des amis, et si bien vêtu qu’il ressemblait à tout le monde, affirma Jean. Ce Crésus offrit une consommation au nouveau venu, et celui-ci, bien que pressé, accepta, pour la rareté du fait. Voulant marquer d’une pierre blanche ce jour merveilleux, il jeta un morceau de craie dans le verre de Labremuche.

Le peintre s’était assis, par politesse, par habitude aussi. Il faisait chaud, il faisait bon, chez le marchand de vins, bien meilleur que dehors. La fumée des pipes, le parfum des absinthes, chatouillaient le nez d’un parfum bien connu et hautement apprécié. Magouline, qui donnait les cartes, en jeta devant Jean Travers comme devant les autres.

— Mais je ne joue pas, s’exclama le peintre… Rendez-vous urgent… Type dans le genre de Rokfeller… Il faut absolument…

Un haro général couvrit sa voix :

— Ah non ! On ne va pas remêler !… Joue cette partie, au moins !…

— Soit ! soupira Jean. Je jouerai cette partie pour vous faire plaisir, bien que je sois un type dans le genre des milliardaires américains, et que je n’aie