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— Au revoir, monsieur, tous mes compliments à votre mère, mes compliments les plus vifs.

Il sortit, et s’en alla par les rues, au hasard, la tête basse. Il était très malheureux, il pensait que, décidément, elle n’avait jamais songé à lui, et que, de son côté, il était peut-être encore un peu novice pour séduire des femmes du monde. Et il revécut, avec une douloureuse mélancolie, l’heure bienheureuse et mensongère où il s’était cru aimé, où il avait espéré, avec tant de joie et d’émue gratitude, que Mme Cocheroy allait lui prendre la tête à deux mains pour l’embrasser sur la bouche.

Sur le trottoir, une petite blonde le frôla, novice sans doute, et honteuse encore du métier qu’elle faisait, car son regard était triste en implorant celui du jeune homme, et sa voix tremblait, enrouée et rétive, pour devoir murmurer tout bas : « Monsieur… Dites, monsieur… »

Mais Gaston se détourna de cet être sans pudeur et sans poésie, si différent de celle qu’il aimait.

Et, reprenant son chemin, il murmura, dans la sincérité de son âme, avec un peu de pitié et beaucoup de mépris :

— Faut-il qu’une femme soit tombée bas pour oser s’offrir ainsi !