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ton, un parfum troublant montait à ses narines, et il devait se rejeter en arrière, retenir son haleine, pour que son souffle n’allât pas caresser la nuque ambrée et ronde, l’oreille si rose, si rose, qu’il contemplait de ses yeux dilatés, à moins de dix centimètres de sa bouche.

Allez donc vous jeter à genoux, dans des conditions pareilles !

Ah ! certes non, elle ne se doutait de rien ! Si elle avait pu soupçonner le trouble, l’affolement où le jetaient ce tiède contact, ce parfum grisant, cette nuque adorable mise à la portée de sa bouche, elle se serait enfuie en claquant les portes, avec des clameurs d’épouvante ! Mais elle ne se doutait de rien, car elle restait là, tranquille, tournant la pierre du bout de son doigt fin, pour la faire briller, en disant d’une voix paisible : « J’en ai une pareille montée en bague, mais la vôtre a plus d’éclat. »

Elle se pencha encore, pour mieux voir. Sa poitrine, un instant, toucha celle de Gaston. Ce ne fut qu’un contact très doux et très léger, le frôlement à peine perceptible d’une chair vivante et animée que soulève un rythme harmonieux et lent. Mais ce fut si délicieux, si exquisement doux, que Gaston sentit un grand frisson monter en lui, et le nuage des suprêmes extases passer devant ses yeux. Et c’était une torture aussi, une torture effroyable et douloureuse, de penser qu’elle ne se doutait de rien, et de devoir rester calme, immobile, en retenant ses gestes et son souffle, comme dans un fauteuil de dentiste, sous ce contact adorable et affolant.

Mme  Cocheroy se redressa enfin. D’une voix machinale, elle répétait : « Oui, la vôtre a plus d’éclat. » Puis elle se tut, et ses dents blanches mordirent sa