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Un Début


Pour la onzième fois, Gaston Menuisot recommençait le nœud de sa cravate. C’est qu’il ne s’agit pas de porter une cravate nouée en corde, lorsqu’on doit se jeter aux pieds d’une femme en criant : « Je vous aime ! »

Car Gaston avait décidé que c’était pour aujourd’hui.

Sorti depuis un mois du collège anglais où son père l’avait confiné jusqu’à l’âge de dix-huit ans, le jeune Menuisot, le soir même où il rentra dans sa famille, avait compris qu’il n’aimerait jamais d’autre femme que Mme Cocheroy, la meilleure amie de sa mère. Elle était un peu mûre, disaient les mauvaises langues, mais ça ne rebutait pas Gaston, ça ne le rebutait pas du tout. Sa profonde connaissance du cœur humain, et surtout masculin, dont elle se targuait volontiers, était le résultat de nombreuses expériences, affirmait-on encore. Mais Gaston n’en concluait pas moins, au contraire, que c’était tout à fait la femme qu’il lui fallait. Ce qui le faisait penser avec orgueil : « Je suis un gaillard déjà terriblement dépourvu de préjugés. »

Dès la première semaine, il crut voir que Mme Cocheroy l’avait deviné, et ne s’en montrait que plus bienveillante. S’étant un jour trouvé seul avec