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que Joseph n’est plus dans les assurances depuis des siècles, qu’il est dans les cigares (une affaire épatante), à moins qu’il ne soit chargé de trouver une commandite pour un vieillard presque aveugle et digne du plus grand intérêt, qui veut devenir aviateur (une affaire épatante).

Malgré ces innombrables métiers, ce souci louable de rejeter au plus tôt ceux qui ne nourrissent pas leur homme, Joseph est en butte à la médisance, car il se trouve des gens pour vous murmurer à l’oreille :

— On ne sait de quoi il vit, ce gaillard-là !

Joseph ne l’ignore pas, et déclare à ses amis :

— Si quelqu’un vous fait jamais cette stupide observation, vous répondrez que je vide la coupe de l’existence jusqu’à la lie.

Puis il part d’un grand éclat de rire, et pour parler de choses plus intéressantes, vous propose de jouer sa pile de soucoupes à l’écarté, en cinq sec.

Il joue et perd. « Quitte ou double ! » dit-il. Il perd encore. « Quitte ou double ! » Et il recommence sept, huit, dix fois s’il le faut, avec un sang-froid merveilleux. Je l’ai vu monter ainsi jusqu’à soixante louis, sans même sourciller. Il joue quitte ou double jusqu’à ce que la chance tourne, et n’admet sous aucun prétexte qu’on quitte le jeu. On continue tant qu’il ait gagné une partie, une seule, car il n’est pas exigeant. Alors, il pousse devant vous la haute pile de soucoupes qui orne toujours sa table, et ordonne au garçon :

— Enlevez le tapis, Adolphe ! Nous en avons soupé, de vos brèmes !

Comme vous pouvez maintenant vous en rendre compte, mon ami Joseph est un charmant garçon. Je ne lui connaîtrais pas de défaut, s’il n’avait la