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Il vous dit un jour :

— Bonne nouvelle, mon vieux, je suis dans les chapeaux, maintenant. Une affaire épatante ! Le lendemain, on entre dans « son » café, on s’installe à « sa » table, sur une chaise, car il n’aime pas qu’on envahisse « sa » banquette, qu’il encombre toujours de paperasses multicolores et de paquets multiformes, dont on ne l’a jamais vu faire un emploi quelconque. On lui demande :

— Ça marche, les chapeaux ?

Une surprise intense arrondit ses gros yeux glauques, puis il répond avec une bienveillante pitié, comme s’il parlait à un ami que guette le dérangement cérébral :

— Les chapeaux… Quels chapeaux ?… Tu as été longtemps malade, mon pauvre petit ?… Mais il y a des siècles que je n’en vends plus, des chapeaux ! Je suis dans les huiles, maintenant. Tout Paris sait que je suis dans les huiles ! Une affaire épatante, mon vieux !

Huit jours plus tard :

— Eh bien, lui dit-on, ça marche, les huiles ? Et il s’écrie :

— Les huiles !… Les huiles !… D’où sort-il, celui-là ?… Tu as hiverné au Spitzberg ?… Tu as fait le tour du monde à pied, à reculons ?… Mais non, mon pauvre vieux, je ne suis plus dans les huiles depuis des siècles !… C’est idiot, les huiles !… Je suis dans les assurances contre les insuccès aux examens, une affaire épatante ! Tu ne veux pas t’assurer contre les insuccès aux examens ?

Si vous insistiez beaucoup, il vous assurerait peut-être, mais il faudrait vous dépêcher, car en remettant la chose au lendemain, vous apprendriez alors