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Chez la Voyante


Un monsieur vient de sonner à la porte de Mme Florida, voyante extra-lucide de 1re classe. L’être qui vient lui ouvrir est vêtu d’un pantalon à larges carreaux et d’une chemise de flanelle sur laquelle il a enfilé à la hâte une espèce de livrée de domestique. Sa chevelure est pommadée à l’excès, et d’un noir trop beau pour être vrai, à moins que sa barbe de trois jours ne soit teinte en gris. On devine que ses mains velues doivent être énormes ; mais l’estimation est difficile, parce qu’il y a des bagues à tous les endroits où il n’y a pas de poils. Il suffit de contempler ses pantoufles rouges, ornées de broderies qui disent les attentions pieuses d’une épouse aimante, pour comprendre que c’est le mari de la voyante qui essaie de se faire passer pour son domestique. Il n’est pas besoin d’avoir vu deux fois en sa vie un chevalier des boulevards extérieurs, pour ; supposer que Mme Florida exerça jadis un métier plus galant que celui de somnambule, et que les clients trop durs à la détente n’en devaient pas mener large.

Ce Ruy-Blas du dernier modèle introduit le visiteur dans un salon d’attente, espèce de couloir sombre orné de quatre chaises et d’un coffre à bois, lui remet un carton portant le no 17, puis se retire avec un air plein de majesté et de mépris. La dis-