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maillot. C’est pas que je sois mal faite, ah ! mais non, mon vieux ! Tout Paris est là pour vous dire le contraire. Mais ça me gêne, parole d’honneur ! On se figure comme ça que je dois m’en battre l’œil, on croit que je n’ai pas de pudeur… C’est encore des gens qui ne m’apprécient pas, tout ça ! Il n’y en a pas une qui ait autant de pudeur que moi. C’est toujours ainsi : on a de la valeur, et les gens ne s’en rendent pas compte. Il faut que je vienne vous le dire moi-même pour me faire apprécier. Alors, si je ne me fais pas apprécier, vous continuez à prendre un tas de grues, toujours les mêmes, parce que vous les avez sous la main, parce qu’elles sont du métier… Beau métier, ma foi ! Si vous croyez que c’est difficile, ce qu’elles font, vous vous fourrez le doigt dans l’orbite, mon pauvre vieux ! Y’a qu’à parler comme si on était chez soi, j’m’en tirerai mieux qu’elles, craignez rien. Vous entendez bien comment que j’parle, et qu’on n’peut rien trouver à m’redire là-dessus. Et puis, du moment où le public se rince l’œil en regardant une jolie femme dans des nippes qui sont un peu là, vous pensez bien que le reste, les bêtises qu’on dégoisse, et tout ça, c’est de la balançoire… Moi, j’m’assieds d’sus ! C’est pas avec ça qu’on fait reconnaître sa valeur… Maintenant, mon vieux, je suppose que vous m’avez suffisamment appréciée. Vous me gardez le rôle ? C’est convenu ?

Claude Soleret l’avait écoutée avec une attention profonde.

— Mademoiselle, répondit-il, je vous ai pleinement appréciée, croyez-le bien, et j’en suis ravi, car vous êtes la femme que je cherchais. Je ferai quelque chose de vous, je vous le jure. Mais ne m’en demandez pas davantage pour le moment, ne cherchez pas à me