Page:Ista - Contes & nouvelles, tome II, 1917.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.
42

exaspérés, ne s’arrêtent pas à mi-chemin. En moins de cinq minutes, tout y passa, ce fut le grand déballage. Ils se reprochèrent les petits sacrifices naguère si joyeusement consentis l’un pour l’autre, les menus mensonges que l’être le plus sincère ne peut éviter, tout ce qui démontrait que nul des deux n’atteignait à la perfection absolue ; ils tracèrent avec de gros mots, de vilaines allusions, une caricature violemment accentuée de leurs défauts respectifs ; puis, pour clôturer dignement cette petite fête, ils s’envoyèrent au nez les histoires vraies ou fausses qui couraient sur leurs familles et l’origine de leurs fortunes. Enfin, quand le sac fut bien vidé, le mal à tout jamais irréparable, la libre et folle amoureuse d’hier eut cette phrase stupéfiante :

— Tournez-vous, je vous prie. Je dois m’habiller.

Il obéit sans mot dire, comme si cet ordre était tout naturel, comme s’il n’avait jamais vu la couleur de son corset. Et il se rhabillait en même temps, le nez au mur, tapant ses bottines, craquant ses vêtements, avec de grands gestes de bataille.

Quand il la devina prête, il demanda :

— Nous partons ?

— Je pars, rectifia-t-elle. Ce que vous faites m’importe peu désormais.

— Permettez au moins que jusqu’à la gare…

Mais elle l’interrompit, violente :

— Je vous défends de m’accompagner ! Je ne vous connais plus !

Et elle sortit en claquant la porte.

Il ouvrit la fenêtre. La pluie avait cessé, mais le vent soufflait en tempête, de gros nuages sinistres couraient au ciel, et de longues ornières pleines d’eau, de grandes flaques luisaient sur la route boueuse.