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Une Affaire d’Honneur


— Moi aussi, déclara Bercelin, j’ai eu mon duel, et ce fut un combat singulier, vraiment singulier. Cela m’advint un jour, ou plutôt un soir de ma vingtième année…

— Comment, un duel aux flambeaux ?

— Non, pas aux flambeaux, ni même au réverbère, pas plus qu’au clair de lune, car je vis rarement une nuit aussi noire que celle-là.

Je fréquentais alors, dans la ville de province où je suis né, une petite salle d’armes dirigée par un ancien prévôt, homme d’une grande capacité, non en escrime, où l’on trouvait plus fort que lui sans aller bien loin, mais quant à l’absorption des liquides. Les cours se donnaient dans la seconde salle d’un café, et notre vieux maître avait élevé l’art de se faire rincer la dalle à la hauteur de plusieurs institutions superposées. Toutes les leçons, qu’il y en eût dix, vingt ou trente, se terminaient invariablement par ces mots :

— À fond… En garde… Deux appels de pied… Rassemblez en avant… Saluez… C’est très bien, mon fiston, viens prendre un verre !

Chaque fois qu’elle entendait résonner les deux appels de pied, la dame du comptoir se hâtait d’emplir un petit verre de cognac, car notre professeur n’aimait pas les mélanges, et s’en tenait à cette bois-