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— Brelan de rois ! Ça ne m’était encore arrivé qu’au poker.

En rentrant dans l’étable, il dit à sa femme :

— Maintenant, ma biche, on va partager les cadeaux. T’aimes les parfums, toi. Je te cède toutes les saletés du moricaud, et je me contente du reste.

Donc, il garda l’or, et lui remit l’encens et la myrrhe, parfums assez peu en vogue chez les Parisiennes. Mais Marie ne fit pas mine de protester. Elle rêvait, les regards lointains, et proféra soudain d’une voix étrange :

— C’est tout à fait comme l’autre… absolument comme lui !

— Quel autre ? demanda Joseph, pour qui ce mot représentait, dans son for intérieur, des personnages successifs et inconnus auxquels il aimait autant ne pas penser.

— L’autre…, celui de Bethléem, reprit Marie d’une voix de plus en plus prophétique. L’histoire est la même : la naissance dans une étable…, l’âne…, le bœuf…, les bergers…, les trois rois !… Je pressens de grandes choses !… Vois-tu que mon fils devienne plus tard un bon Dieu, lui aussi !

Joseph, qui était un homme pratique et raisonnable, la calma doucement.

— Te frappe pas, ma biche, lui dit-il, te frappe pas. Ton fils a encore tout le temps de choisir un métier.

— C’est l’histoire de l’autre ! insista Marie. Absolument la même histoire ! Puisque ça a si bien réussi à celui-là, je ne vois pas pourquoi mon fils…

Mais Joseph la calma encore.

— Je le sais bien, reprit-il, je le sais bien, que c’est tout pareil. Mais tu oublies que l’autre a eu un grand