Page:Ista - Contes & nouvelles, tome II, 1917.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
20

dès la deuxième rencontre ! » Je me raidis, et je murmure, tout rouge de mon mensonge :

— Mille excuses… Vraiment confus… Pas un sou en ce moment…

Roland n’est plus aimable. Il est ravissant, il est suave, il est adorable. Il me frappe sur l’épaule, me serre les mains, me remercie :

— Admirez ce hasard prodigieux !… Il était écrit que je n’irais pas à cette course… C’est Dieu qui l’a voulu… Ce cheval sera battu sans doute et vous m’empêcherez de perdre mon argent. Merci, très cher ami, merci de tout mon cœur…

Il ne s’en va pas. Il examine mon installation, en fait les plus grands éloges, admire chaque détail, prend en main chaque bibelot. Le voilà qui tombe en arrêt devant une assez jolie sonnette en bronze, de provenance hindoue et dont le manche représente le dieu Vichnou. Il se pâme :

— Ravissante ! Elle est ravissante !… Mais j’en suis amoureux ! Il m’en faut la pareille !… Cher ami, vous allez me rendre un immense service : prêtez-moi cette sonnette pour quelques jours. Je veux la confier à mon orfèvre pour qu’il m’en fasse une copie en or… C’est dit, mon cher, j’emporte votre sonnette, vous ne pouvez me refuser cela…

Il a raison, ça ne se refuse pas. Et puis, ce n’est pas de l’argent, donc je ne suis pas tapé. Je m’incline en disant :

— Trop heureux de vous être agréable, cher ami. Il est parti et je ne lui ai pas prêté un sou. Qu’est-ce que je disais ! Panuche a menti : Roland de Vallombreuse n’est pas un tapeur.

Un quart d’heure plus tard, je vois entrer Eugène, le garçon du petit café qui fait le coin de ma rue, et